En ayant lu un billet de Fannie, je me mets à cogiter… http://zazoovoyage.blogspot.com/2009/07/breathe-deeply.html
Sur notre chemin, on rencontre de nouvelles personnes, on les regarde, on les observe, on scrute le contenant, l’emballage, la présentation, la façon dont ils ont de se montrer, se présenter. Un collier en trop, une moustache si voyante, des oreilles dans le vent, une peau disgrâcieuse, un surpoids, un mauvais entretien des dents, une manucure abîmée, des cheveux gri choux…
Ou, tout au contraire
Un parfum discret, une chemise bien choisie, une courbe du corps bien exploitée, un callipyge enivrant, une poitrine invitante… Puis un regard intelligent, une poignée de main bien placée.
Et soudain, comme un miracle: une phrase qui nous interpelle, une anecdote qui nous attire, un jeu de mot subtile … Un opinion qui nous fait écho.
Ou, tout au contraire
Une réplique déplacée, un rire grossier, une proximité étouffante, une attitude hautaine ou bornée….
Tant d’embûches et de filtre pour la rencontre vers l’Autre.
Je pense à tout ces instant d'interraction: trop de fois, à se mettre à écarter les personnes qui nous font mauvaise impression, trop de fois, on laisse si peu de chance...
Parce qu'en fait: nous avons aussi un rôle à jouer, il y l’Autre mais il y aussi soi avec son lot de frustrations et de perceptions qui masquent et emboîte rapidement l’Autre.
La rencontre est un jeu qui se fait à deux: j'ai cru si souvent et si longtemps que tout dépend de l’Autre… Mais quel leurre! Je sais que je ne suis pas la seule à porter des jugements hâtifs... oh que non!
Je vous invite à lire un extrait d’un texte qui m’habite depuis longtemps.
«…le phénomène de la rencontre apparaît dans sa dimension proprement humaine. Je voudrais souligner la force créative propre à toute rencontre digne de ce nom. Elles sont le point d’articulation entre ordre et désordre.
« Une rencontre, c’est toujours une mise en question et le passage d’un ordre à un désordre prélude à un nouvel ordre » (Zarifian, 1994, p. 147).
De même, l’anthropologue Georges Balandier écrivit, à propos de la fête carnavalesque,
que : « elle bouleverse les classements sociaux au gré des rencontres et de la conjonction insolite des personnages imités » (1988, p. 126).
La rencontre, destinale, incarne les lieux du possible et forme la trame d’un jeu : jeu symbolique avec le temps et, ce qui revient au même, jeu symbolique avec la réalité. Dans la désunion/ré-union de l’Un et de l’Autre, les rencontres confirment, en les mettant à l’épreuve, les distinctions premières qui président à tout ordre culturel. D’autre part, elles donnent à l’homme l’occasion de risquer — et par ce fait, d’attester — sa liberté en jouant.
Ainsi « le jeu a pour le Sujet un rôle à la fois défensif et constructif, procurant une maîtrise symbolique et intégratrice » (Picard, 1989, p. 8). Ce n’est pas la Création, avant laquelle aucune rencontre n’était envisageable, mais autant de re-créations qui nous sont offertes par le biais des rencontres insolites, incroyables et d’autant plus significatives pour nous. Celles-ci, en tant que source de recommencement, accueillent le nouveau, rompent avec le quotidien, s’insurgent contre l’ordinaire, tout en conservant un lien avec « l’avant ». Dans notre imaginaire, la Création est le point zéro, l’origine : avant elle, pas de passé, donc pas de rencontre possible. La re-création, en revanche, surgit entre un passé et un avenir.
Vladimir Jankélévitch remarque que « l’homme souhaite plus que tout la recréation, car elle serait une mixture de création et de continuation » permettant à la fois « le confort de l’ancienneté et la joie de la nouveauté » (1977, p. 348).
Dans la substance pure du temps et contre l’irréversibilité de son agir sur la vie, les rencontres font figure de rupture, ouvrant pour l’individu le champ non de la création, mais de la créativité. Celle-ci s’offre potentiellement à chacun au cours de ses expériences multiples (vives ou fictives), de ses « sauts » d’une réalité à une autre, pour reprendre l’expression d’Alfred Schütz. Les rencontres réelles ou imaginaires, naturelles ou surnaturelles, appartiennent à ce fin espace, cet interstice qu’est l’Occasion, si chère à
Cécile Duteille 87 Vladimir Jankélévitch, philosophe de la « primultimité ».
Elles appartiennent enfin à ces :« occurrences soudaines qui propulsent le devenir et font advenir l’avenir ; la nouveauté peut ainsi fuser à tout instant » (Jankélévitch & Berlowitz, 1978, p. 42.).
«L’événement de la rencontre comme expérience de rupture temporelle» de Cécile Duteille, de l’Institut de Recherches Sociologique et Anthropologique, Université de Montpellier III publié dans la revue Autrement N° 135 : La Rencontre. Figures Du Destin.
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